Et si nous faisions une pause en compagnie des abeilles ?
Cet article a été écrit par Yves ROBERT, apiculteur, arboriculteur et formateur en agroécologie, membre du réseau Un toit pour les abeilles.
Un savoir-faire pratique:
Le savoir-faire pratique de l’élevage des abeilles est un sujet complémentaire au savoir-faire du jardin et plus généralement de tous les savoir-faire liés à la vie domestique.
C’est une tradition de longue date qui a la vie dure.
La pratique domestique de l’apiculture est charnière entre la production au jardin et au verger, mais aussi la santé de la famille et notre relation avec la nature sauvage.
Pour nous, apiculteurs, c’est un sujet pratique de la vie de tous les jours mais, aussi un gros dossier d’actualité.
Les abeilles vont-elles mourir?
Et, nous laisser nous débrouiller, seuls, avec des écosystèmes dévastés… Après elles, c’est nous qui y passons !
Notre civilisation consumériste aurait-elle eu raison des millions d’années d’évolution de l’espèce Apis mellifera et des quelques milliers d’années de compagnonnage avec l’Homo sapiens !
Un renvoi d’argument:
La question nous fait froid dans le dos… Et, nous pouvons la rejeter d’un revers de manche : les abeilles ont eu la capacité de passer des périodes au moins aussi tourmentées.
Elles sont toujours là pour garantir la production et le renouvellement des plantes à fleurs. Ouf…
Cependant, si les abeilles peuvent aisément se passer de notre présence, (d’autant que nous dévastons leurs ressources) ; nous-mêmes, du haut de la chaîne alimentaire, pouvons-nous nous passer d’elles ? Par exemple : à quoi pourrait ressembler un étalage de fruits et légumes, si la pollinisation n’était plus assurée ?
La question n’a pas de réponse immédiate, si ce n’est dans les zones où la pollinisation n’est plus assurée, où des bataillons d’abeilles sont amenés pour faire le travail.
Le cas échéant, (ce qui est somme toute plus honnête, mais beaucoup plus coûteux) on embauche des petites mains pour polliniser au pinceau les millions de fleurs à leur place…
Retour à la case départ:
Des écosystèmes qui fonctionnent bien, c’est non seulement tout à fait « pratique », mais totalement vital pour nous.
Il en va de même pour toutes les espèces vivant sur la Planète bleue. Alors ?…
Pourquoi avoir pris le risque de nous retrouver dans une situation aussi précaire alors que la luxuriance des écosystèmes était encore présente il y a seulement quelques décennies ?
Quel est ce déchaînement de bêtise humaine, qui fait que l’on accélère même encore aujourd’hui ce mouvement totalement suicidaire ?!
Changer de récit:
« Dominez la terre, soumettez les animaux » : cette injonction biblique, probablement mal retranscrite, n’en a pas moins constitué le récit de notre « modernité ».
Ce récit, on le sait aujourd’hui, n’a pas de « happy end »… Nos ancêtres y ont trouvé une direction pour justifier leurs efforts; mais, ce récit ne peut plus être le nôtre aujourd’hui et, encore moins, celui des générations à venir !
Qu’est-ce qui a changé ? Comment en prendre acte pour ne pas sombrer dans le délire collectif du progrès « salva-tueur »?!
Une question de taille:
L’échelle des moyens déployés actuellement par les entreprises est tel qu’une action peut mener les conséquences à un scandale écologique, sanitaire…qui sidère et ulcère le plus insensible des terriens.
Pourtant, hier, nous agissions déjà de cette manière, dans une économie qui est fondée depuis plusieurs siècles sur les mêmes préceptes.
Avec des méthodes plus « efficaces », les conséquences se sont considérablement alourdies.
Pour exemple, les pesticides et ses cocktails de molécules combinés toujours plus explosifs sont toujours plus redoutables pour les abeilles que n’importe quel prédateur, car la parade qu’elles doivent mettre en place est très éloignée du savoir-faire accumulé par leur instinct de survie…ou encore la déforestation qui se fait mécaniquement là où jadis, seuls les haches et les scies permettait l’abattage à un rythme d’humain.
Appuyer sur le bouton « pause »:
Dans tout ce vacarme causé par l’hystérie progressiste, comment trouver une proposition sensée, pour un avenir possible ?…
Je vous avoue que la sérénité que procure le compagnonnage avec des écosystèmes encore potables et des abeilles fondamentalement pas stressées est un luxe extrême aujourd’hui.
Tout autour, je n’ignore évidemment pas que c’est la concurrence érigée en valeur suprême, l’hystérie présentée comme modèle de conduite, et la guerre comme solution finale…
La voie du renouveau, présente en nous-même, est tellement ténue, que, si nous ne baissons pas un peu le niveau de notre agitation personnelle et collective, elle ne se fera jamais entendre.
Retour sur soi, sur nous:
Le changement de régime de civilisation ne se fera pas en un « clic » (même si les moyens de communication « high tech » peuvent contribuer à sa mise en œuvre initiale).
Car, les repères sont, d’abord, intimes, intérieurs.
Si je ne me reconnais guère dans le monde fiévreux où j’habite, c’est qu’il y a autre chose en moi… de plus apaisé.
Mes échanges aussi aspirent à plus de cohérence ; moins de heurts savamment entretenus (pour maintenir l’agitation productiviste à un niveau, de plus en plus, inaccessible.)
Le collectif repose sur des individus : vous, moi.
Un changement de cap personnel peut (et commence à) tout changer !…